Grands Coeurs Martine R.

Martine R. a choisi de participer au projet des Changeurs en faisant les corrections de nos textes. Son récit nous raconte son passage de l’ombre à la lumière, une vraie force de changement.

"Jeune fille timide et introvertie, j’ai rencontré l’alcool vers 16 ans. Comme par magie, le temps d’une soirée, je me suis étonnée : j’ai trouvé le courage et l’audace d’exprimer mon ressenti à une personne chère. J’en ai éprouvé une certaine fierté ! Plus tard, dans la nuit, j’ai vomi tripes et boyaux… Mais ce que mon cerveau a retenu de cette expérience, c’est que l’alcool m’avait donné des ailes.

A 18 ans, lors des soirées, je bois déjà plus que les autres. Il m’arrive de boire seule. Puis j’ai un métier. Un métier passionnant, que j’ai choisi. Mais un métier éprouvant, complexe, générateur de stress. L’alcool devient ma béquille. Je suis autonome (salaire, appart’) et j’en suis fière mais je crève de solitude. Aux amis, à la famille, je crois donner le change. Je fais « comme si »… A 23 ans, je "craque". Je commence les tentatives de suicide (autolyses en jargon médical). Mes alcoolisations se font de plus en plus régulières et sévères. Je bois dans les bars... A 25 ans, je me suis fait peur. J’arrête. Net.

Mais je ne sais rien de cette maladie. Ni même que c’est une maladie, d’ailleurs. Deux mois plus tard, je reprends un verre. Dans la convivialité, « raisonnablement ». Et c’est reparti ! J’approche de la trentaine sans trouver mon équilibre, c’est épuisant ! Tout part à vau-l’eau et c’est l’alcool qui mène la barque ! Le jour de mes 28 ans, je suis en psychiatrie. Je refuse tout traitement et sors au bout de 10 jours. Ça s’arrose ! Et ainsi de suite jusqu’à... 39 ans où je passe mes week-end à boire. J’ai besoin de l’alcool tous les jours, plusieurs fois par jour. Je connais le manque. Je bois tout et n’importe quoi. J’ai perdu le contrôle... Pour la première fois, je parle de mon problème d’alcool à mon médecin.

Commence le parcours "classique" : sevrages, cures, post-cures. Rencontre avec les Alcooliques Anonymes. Je n’entends que ce que je peux et crois qu’il suffit de « poser le verre » pour aller bien. Hélas, l’alcool n’est que l’arbre qui cache la forêt… Le symptôme d’un mal être profond et ancien… Rechute au bout de 5 mois d’abstinence. Et c’est reparti pour un tour !

Enfin, à 43 ans, en ce mois de janvier 97, ce fut mon ultime tentative de suicide, mon dernier verre, ma dernière hospitalisation. Retour aux Alcooliques Anonymes et… et… tranquillement, à petits pas, UN JOUR A LA FOIS, s’opère ma re-naissance. Je dépose les armes, je lâche prise, j’expérimente un nouveau mode de vie. J’apprends à me connaître, à m’accepter, à me respecter. J’apprends à reconnaître mes émotions et à les apprivoiser. Surtout pas à les gérer : à les APPRIVOISER. Je retrouve la joie de vivre. Je m’émerveille des petits bonheurs simples. Je fais alliance avec moi-même, j’apprends à accepter ce que je ne peux changer. Je me familiarise avec des notions dont je me moquais : sérénité, humilité, patience, persévérance, courage, spiritualité, égoïsme, reconnaissance, gratitude…

Ce qui m’a encouragé à continuer, c’est que j’ai récolté les fruits de l’abstinence : j’ai pu traverser des épreuves, des deuils, également des succès, sans avoir soif… Aujourd’hui, j’ai retrouvé une place dans la société, je m’engage pour des causes qui me semblent justes, je fais du bénévolat associatif… mais je n’oublie pas d’où je viens ! Je ne rate pas une occasion de témoigner qu’il est possible de vivre bien sans alcool. Ce qui est passionnant, c’est que le chemin n’est jamais fini. Ce voyage intérieur que j’ai entrepris, je le souhaite à chacune et à chacun. J’ai trouvé mon ancrage. Je peux vieillir. Tout est bien. Je n’ai plus peur. MERCI !

(Le projet d’Eva m’a séduite car je sais par expérience que le monde ne changera que si je fais ma part, comme le colibri de l’histoire. Tout commence par moi, ici et maintenant. C’est ainsi que je suis devenue correctrice pour Changeurs de Monde !)"

Rens. : www.alcooliques-anonymes.fr
Permanence téléphonique nationale : 09 69 39 40 20 (Coût d’un appel local)



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