Grands Coeurs Anna Cantavenera

Pour Anna Cantavenera, le fil conducteur du changement c’est la recherche de la beauté, en tout, partout et en chacun-e.

"Je devais avoir une dizaine d’années quand j’ai "vu" une couleur pour la première fois. C’était un jour de pluie et ma mère m’avait offert une paire de chaussures rouges. J’ai été fascinée par cette couleur. L’émotion que j’ai ressentie était une sensation de bonheur parce que d’un coup, grâce à cette couleur, la journée pouvait être différente, embellie. La même émotion revenait quand je recevais une boîte de crayons de couleur ou de peinture.

Quand plus tard j’ai voulu faire les Beaux Arts à Paris, mon père a refusé, mais il a mis néanmoins à ma disposition un rez-de-jardin qui a été pendant quelques années un lieu de créativité intense où j’ai pu enfin laisser libre cours à mon imagination et à mon amour de la beauté des formes et des couleurs. Je savais qu’il se passait quelque chose que je ne pouvais pas expliquer, mais qui me permettait d’exprimer une part importante de moi-même. Je mettais des couleurs chaque jour dans ma vie en créant des objets, des meubles, en décorant des intérieurs. Mon père m’a beaucoup aidée en me donnant les moyens de réaliser mes idées.

Cet amour du beau ne m’a jamais quittée, et a été une manière de m’affirmer et de me démarquer par rapport à ma famille parce que la façon dont je décorais par la suite les lieux où j’ai vécu ne ressemblait en rien à la maison familiale.

Créer et embellir m’ont toujours procuré un grand bonheur, une joie d’exister, aussi la Beauté et la Joie sont intimement liées en moi. Bien plus tard, j’ai créé un petit atelier pour ma fille et ses petits camarades qui venaient une fois par semaine à la maison avec beaucoup d’enthousiasme. Ces moments m’ont procuré beaucoup de joie et le bonheur d’assister à l’éveil du potentiel créatif de ces enfants. Des petites graines de beauté ont été semées à ce moment là....

Après avoir quitté mon pays natal, j’ai découvert l’exaltation secrète de l’étude. Moi qui voulais faire les Beaux Arts à Paris, je me suis retrouvée dans cette ville à faire des études passionnantes sur la complexité de l’âme humaine. Peu à peu, à travers des consultations, j’ai pu aider les autres à faire vivre cette part de beauté qui ne vivait pas suffisamment. Dans cette approche, les Contes de Fées ont été un puissant levier pour changer le regard, la façon de voir les choses et surtout pour libérer cette beauté trop souvent défigurée par la vie en société. Et le fait de vivre ce que la vie envoie de l’endroit de la beauté en soi permet un profond changement intérieur.

De passer de la beauté visible, extérieure, à la beauté invisible, intérieure, a été un grand changement pour moi. Il était toujours question de beauté, mais la donne avait changé.

Pendant longtemps, la nature faisait partie d’un décor. Être au bord de la mer ou marcher dans une forêt me faisait du bien, mais je ne voyais pas vraiment leur beauté.

Et puis un jour j’ai "vu" la beauté de la nature en ouvrant ma fenêtre sur un cerisier qui avait fleuri dans la nuit. C’était grandiose, c’était le contact avec la Splendeur. J’en ai été d’autant plus consciente à chaque fois que je traversais des paysages inouïs de beauté. Et cette beauté là est aussi défigurée, comme si l’homme avait perdu tout contact avec le beau en lui, le beau, le juste et le bon qui lui permettraient, non pas d’enlaidir la planète mais au contraire de l’embellir, de libérer toute sa beauté. Aussi, je suis persuadée que la Beauté peut contribuer à changer le Monde dans lequel nous vivons, et que pour ce faire chacun d’entre nous se doit de cultiver sa propre beauté et par ricochet celle de la Terre.

De ce fait, ce ne serait plus possible à l’homme de polluer l’air et l’eau, d’abattre des arbres ou de mener des actions contre nature sur le vivant. Parce que dans ces dérives la vie n’est pas vue de l’endroit de la beauté....

Je me dis que cette couleur rouge de mon enfance m’a poussée tout doucement à travers tout ce qu’elle m’a permis de vivre, dans une adhésion sans faille aux promesses qu’elle contenait, de pouvoir participer à préserver les beautés de la Nature."



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